Pourquoi nous prenons la rue le 1er mai

CLAC-Montreal

Le 1er mai est la Journée internationale des travailleurs et travailleuses.

Cette tradition trouve son origine dans le mouvement ouvrier nord-américain de la deuxième moitié du XIXe siècle.

Le 1er mai 1886, un mouvement de grève générale revendiquant la journée de huit heures est lancé dans plusieurs villes américaines.

 

Le 3 mai, à Chicago, lors d’affrontements entre travailleurs et briseurs de grèves, la police ouvre le feu et tue deux travailleurs.

 

Un rassemblement est alors convoqué pour le lendemain, le 4 mai, par des militants ouvriers anarchistes. Ce rassemblement a lieu au Square Haymarket, à Chicago, et il a pour principal objet de dénoncer la violence des patrons et de la police contre les grévistes. Un tract circule invitant les grévistes à venir préparés pour se défendre. Dans les dernières minutes du rassemblement, une bombe explose près des rangs policiers. S’ensuivent des affrontements au cours desquels des policiers et des travailleurs sont tués ou blessés. L’identité des véritables auteurs de l’attentat ne sera jamais confirmée.

Les autorités jettent le blâme sur les principaux animateurs du mouvement de grève, et huit militants ouvriers anarchistes sont accusés et trouvés coupables à l’issue d’un procès politique bâclé. Trois sont condamnés à la prison à perpétuité (Oscar Neebe, Michael Schwab et Samuel Fielden), quatre sont pendus (George Engel, Adolph Fischer, Albert Parsons et August Spies) et le dernier (Louis Lingg) se suicide en prison à la veille de son exécution.

C’est pour commémorer les martyrs de Haymarket et toutes les luttes pour l’émancipation de la classe ouvrière que la Journée internationale des travailleurs et travailleuses est encore aujourd’hui célébrée partout dans le monde.

Au Québec, la première manifestation du 1er mai est organisée en 1906 par des ouvriers et ouvrières socialistes et anarchistes d’origine juive et est-européenne, avec leurs camarades francophones et anglophones de Montréal. La tradition durera bon an mal an jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, malgré une féroce répression policière et une opinion publique parfois hostile.

 

Ce n’est qu’en 1972, à l’occasion du front commun syndical, que les centrales québécoises reprendront la tradition. Par contre, le 1er mai syndical au Québec perd de plus en plus son caractère revendicateur et subversif au fil des ans, pour ne devenir, dans les années 2000, qu’une triste parade symbolique vidée de sa vigueur et de son histoire radicale.

Cette histoire a largement été perdue au Québec et ailleurs en Amérique du Nord (contrairement à l’Europe, où le 1er mai est passé à l’histoire contemporaine comme une fête et un jour chômé). Une des raisons de cet oubli (bien commode pour l’État et le patronat) est l’instauration par le président américain Grover Cleveland, en 1894 (suite à la grève sauvage des employéEs de la société Pullman à Chicago), de la Fête du travail, fériée chaque premier lundi de septembre. Le premier ministre canadien John Thompson adopte officiellement le même calendrier le 23 juillet 1894.

Le Labor Day, la Fête du travail que nous “fêtons” surtout en ne faisant rien une journée random en septembre, est donc la réplique concoctée par le système capitaliste pour désamorcer la tradition naissante du 1er mai ouvrier internationaliste, une tradition à caractère ouvertement anticapitaliste, subversif et révolutionnaire.

Depuis 2008, une coalition informelle d’individus et de collectifs a fièrement repris la tradition anticapitaliste originale du 1er mai en organisant chaque année à Montréal une manifestation autonome, séparée de la pitoyable parade syndicale (qui, depuis quelques années, n’était même plus organisée le 1er mai, mais quelques jours avant ou après afin d’accommoder le calendrier capitaliste!).

Dans le contexte actuel, la manifestation autonome anticapitaliste s’inscrit dans un mouvement de résistance global contre les offensives constantes du patronat et de l’État capitaliste : diktats d’austérité, tarification et privatisation des services, pillage des ressources, destruction du bien commun, etc.

La soif de profit et l’obsession de la croissance économique associées au développement technologique et à la mondialisation affectent grandement les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs : répercussions néfastes sur la santé (physique et psychologique) et la sécurité au travail, intensification de la tâche, accroissement de la précarité d’emploi, réduction des effectifs, exploitation systématique de la main-d’œuvre immigrante, etc.

Face aux mesures d’austérité imposées par un régime capitaliste à bout de souffle, que peut-on faire d’autre que se révolter ?